Dans le mur... du son !

Label : What a Mess!

Sortie : 30/09/10

Format : CD / MP3

Disponible : Ici

Plus de 18 mois (en gros quand on eut épuisé le dernier Marissa) de quasi abstinence. Des réunions aux AA (Accroauxfolkeuses Anonymes). Des piques régulières dans des billets sur la surabondance de ces dames. Le réflexe de s'en aller au plus vite quand un site ou un blog présente une nouvelle apache/hippie. On a acheté les derniers Silje, Islaja et Ólöf qu'on a laissés bien en évidence sans les écouter pour bien se prouver qu'on était clean, qu'on avait décroché (et cela n'a rien à voir avec le fait qu'ils sont très moyens). On a même réussi à se restreindre en n'écoutant le nouveau Joséphine qu'une fois par semaine. Et patatras, la rechute, imparable.

Pourtant en tombant sur cette pochette dans les rayons d'un excellent petit disquaire indé parisien, toutes les alarmes peaufinées pendant des semaines auraient dû résonner "repose-le, repose-le, repose-le". Mais non, il a fallu qu'on l'essaye. Et on l'a adopté... redevenant le junkie appuyant sans cesse sur Play pour avoir sa dose de guitare décharnée et de chant désespéré (à moins que ce ne soit le contraire). En une semaine, Extra Orchard est devenu, à vue de nez, le troisième album le plus écouté de l'année, gagnant sans nul doute sa place dans le top5/10 de 2010. Et Annabeth McNamara de s'ajouter à la (somme toute assez longue maintenant) liste des coups de foudre musicaux pour des jeunes femmes à la voix de cristal...

Oh, je vous vois venir. Vous allez mettre cette soudaine passion sur le dos d'un phénomène de manque après une si longue période d'abstinence. Mais Annabeth vaut mieux que ça. Sa découverte m'a fait immédiatement penser à celle de Marissa Nadler au moment de la sortie de son deuxième album (et donc de l'écoute en boucle pendant six mois de Ballads of Living and Dying et The Saga of Mayflower May, parfois entrecoupé du Born Heller)(mon dieu, c'était il y a cinq ans déjà). Même économie de moyen, même gravité, même émotion à fleur de peau. Mais là où la demoiselle du Massachusetts fait dans un folk plutôt dark, on est ici dans un côté plus roots, ici légèrement appalache, là vaguement médiéval, mais toujours totalement hors du temps. Et pas d'utilisation du reverb à outrance, la voix est brute, pure et rugueuse à la fois.

Parlons-en d'ailleurs, de cette voix, puisqu'elle représente bien 50% de l'ensemble. Elle n'a certes pas la technique parfaite d'une Sharron Kraus, ni la sensibilité exacerbée (et les petites faussetés qui sonnent si justes) d'une Diane Cluck mais cela fait un bien habile compromis... On pense aussi par moment à une Orion Rigel Dommisse par ce côté mi rêveur, mi glacé; cette profondeur; cette façon de couler de source. Et parfois, en allant dans les aigus, elle nous rappelle même Sonya Madam (par exemple sur 'Mother's Brine' ou 'Mirror Eyes') lors des chansons les plus calmes d'Echobelly (genre 'Dark Therapy'). Mais le côté trop divers de ces réminiscences montre bien à quel point cette voix si familière n'appartient en fait qu'à elle-même.

Et la musique ? Traditionnelle mais pas passéiste, elle se réduit souvent à quelques notes joués par un ou deux instruments. Une guitare ou un banjo, lentement martelés. Un orgue, quelques percussions, une trompette, viennent parfois les accompagner. Et l'on découvre en regardant la pochette la présence de Bob Schwenkler, soit 50% des fondateurs de Bicycle Records (en plus d'être lui-même musicien), qui a aussi enregistré et mixé ce Extra Orchard, comme il le fait sur la plupart des disques de son label, en particulier ceux des excellents June Madrona (Ross Cowman étant l'autre moitié de Bicycle). On n'est alors guère surpris par la netteté et la précision de chaque note... Mais cette sérénité, cette résonance, cette émotion, ne doivent qu'à Annabeth McNamara. On ne jurerait pas être en face d'un talent majeur (quoique) mais l'on est persuadé qu'un bon nombre de personnes pourrait chérir cet album s'ils avaient la chance de tomber dessus un jour.

lyle

http://www.myspace.com/annabethsongbird