Dans le mur... du son !

Les sorties en groupe, c’est sympa. Ca me rappelle un peu le centre aéré, même si je n’allais pas au centre aéré mais c’est un autre sujet. Le seul souci des sorties en groupe c’est encore que ça fait grossir (à moins que ce ne soit la bière, mais comme les deux sont liés…). En revanche l'avantage, en dehors d'avoir des allures de réunion de rédaction (la preuve, on a bu des bières, qu'est-ce qu'il vous faut de plus ?), c'est qu'on n'est pas tout seul. Du coup lorsque la première partie nous casse les oreilles, on a quelqu'un avec qui aller vider une mousse dehors et dauber sur le pénible qui nous court sur l'étrier et l'enclume.

Le pénible, c'est David Sanson leader-chanteur de That Summer. Depuis 10 ans (paraît-il) qu'il a lancé son projet, le voilà à son 3e album et personne ne s'est avisé de lui dire qu'il chante TROP mal. Au point qu'on a sérieusement cru que c'était une parodie, avant de s'effondrer devant l'évidence. Chanter un peu faux, même avec un accent imparfait, ça peut passer si on a un grain de voix, ou si on apporte de la musicalité, une présence, enfin quelque chose quoi. Mais mal à ce point, il faut généralement le faire exprès, ou alors avoir trop d'ego pour accepter de céder le chant à quelqu'un sachant faire quelque chose de sa voix.

Avec son guitariste, il a trouvé un chanteur très honorable qui pourrait se charger du lead, mais vous voyez on est en France, et quand on monte un groupe c'est pour être leader-chanteur, et rien d'autre. Et puis en France, on a tendance à croire que les chanteurs qui savent chanter sont suspects, heureusement que les Rolling Stones ou Radiohead n'ont pas eu ce genre d'a priori anti-artistiques. Dommage (surtout pour le public). Très dommage même car musicalement, son rock indé est bon, parfois très bon. Dès que le chant s'arrête on prend enfin plaisir à écouter, c'est un peu planant et sombre comme de vieux Cure ou du post-rock, et on se dit que dans sa discothèque on doit surtout avoir des références des années 90.

Forest Fire aussi, c'est d'abord le projet d'un seul homme, Mark Thresher. Un chanteur puissant, pour le coup, par l'intensité qu'il dégage, sans avoir pourtant un organe hors norme ni se dépenser comme un fou.

Forest Fire, on se disait que ce serait sans doute un truc assez doux en concert, folk pour l'ambiance, pop pour la mélodie, un truc à ambiance quoi. Et de fait, l'ambiance était là. Grâce au guitariste, qui nous a accueilli par dix bonnes minutes de larsen et de gros fuzz bourdonnant. Pour un peu, à cause du maquillage sanglant de ses yeux, on aurait dit qu'il avait ingurgité d'un coup en LSD les économies de toute une vie. Bien vu. Bien parce que le fond des morceaux de Forest Fire c'est bien le blues, et abordés le mors aux dents et avec une guitare crapoteuse, c'est un peu de Jimi Hendrix, maître ès blues s'il en est, qui était convoqué. On n'a pas souvent pris notre pied en concert en 2010, alors merci à ces quatre là de nous en avoir tartiné plein la gueule. Oh, vers le dernier tiers ça trainaillait un peu, et tous les nouveaux morceaux ne sont pas complètement aboutis. Mais on s'en bat les breloques parce que tout est comme il doit être, à commencer par Mark. Impérial, il habite ses chansons, les trimballe d'un extrême de finesse à une violence rauque à la Screamin' Jay Hawkins. Les meilleurs titres de Survival y passent (en gros, la plupart), et ils sont toujours aussi beaux, ragaillardis par le jeu psyché du guitariste, à qui on peut attribuer une bonne moitié du show de ce soir.

Il y a deux ans l'album de Forest Fire était disponible gratuitement, et des milliers de fans de rock en ont fait l'un de leurs disques de l'année. Ce genre de toquade résiste rarement à la redécouverte, un an ou deux plus tard. Mais pour la maigre trentaine de courageux venus les voir à l'espace B, le seul regret fut que ça s'arrête.

http://www.myspace.com/thatsummermusic

http://www.myspace.com/fuckforestfire