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Interview : Paul Hawkins

 

Bonjour Paul, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

 

Eh bien, mon nom est Paul Hawkins, je suis un singer/songwriter de 27 ans originaire de Bristol mais maintenant installé à Londres. Je fais de la musique depuis cinq ans. Au début j'ai joué seul des chansons acoustiques et j'ai participé à la scène anti-folk, puis au début 2007 j'ai formé un groupe, Paul Hawkins and Thee Awkward Silence. J'ai sorti deux albums – d'abord the Misdiagnosis of Paul Hawkins, une collection d'enregistrements lo-fi de mes débuts puis en septembre dernier, We Are Not Other People le premier album des Awkward Silences, sorti chez Jezus Factory. Nous sommes dans le dernier stade d'enregistrement du nouvel album.

 

2008 a été une bonne année pour vous : des concerts plus importants, pas mal de presse et des bonnes critique et 2009 pourrait très bien être votre année . Excitant ou inquiétant ?

 

Les deux en fait. Je me suis rendu compte en début d'année dernière qu'il y avait des gens qui travaillaient pour le groupe et que, non seulement je ne les connaissais pas, mais en plus, je n'étais même pas sûr de comprendre ce qu'ils faisaient, ce qui était un peu flippant. Mais dans l'ensemble c'est une période excitante. Evidemment, c'est un peu étrange, dans le sens que jusqu'ici les choses restaient à un petit niveau et que nous n'étions pas sûrs d'où nous voulions aller, mais c'est génial de rencontrer des gens qui apprécient autant ce que nous faisons que nous-mêmes.

 

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Comme vous l'avez dit, vous êtes souvent associé à la scène anti-folk alors que vos chansons montrent votre désir d'écrire des chansons pop classiques. N'y-a-t-il pas un risque que le qualificatif d'anti-folk vous desserve un peu ?

 

C'est une possibilité mais je ne peux par faire grand chose sur la façon dont on nous perçoit. Bien que nous ayons participé à la scène anti-folk (je dois d'ailleurs beaucoup aux gens de cette scène qui m'ont permis de faire des concerts quand personne d'autre ne le faisait), je n'ai jamais considéré le groupe, en terme de style, comme anti-folk et n'ai jamais utilisé le mot pour décrire notre musique mais le groupe de musiciens DIY avec lesquels nous avons des liens. D'ailleurs au Royaume-Uni, il est plus utilisé pour décrire une communauté d'artistes de Brighton et Londres un peu en marge qu'un véritable style musical, et, même si la personne qui a mis en place les concerts antifolk ici a été très influencée par la scène américaine, la plupart de mes groupes préférés associés à cette scène (David Cronenberg's Wife, Extradition Order ou Thee Intolerable Kidd par exemple) n'ont que très peu de rapport musicalement avec le genre « antifolk » tel que les gens le conçoivent. J'ai l'impression que le public voit cela comme des singer/songwriters qui jouent des morceaux acoustiques volontairement twee et bordéliques, et, s'il y a effectivement des artistes de ce style dans la scène anglaise, je ne pense pas qu'ils soient majoritaires.

Mais je sais que c'est la conception que beaucoup ont de l'antifolk, alors c'est à nous de les surprendre.

 

Quels sont vos buts quand vous écrivez une chanson ? Divertir ? Faire réfléchir ?

 

Honnêtement, c'est beaucoup plus égoïste que cela : en général, j'exprime dans mes chansons des choses que, pour de nombreuses raisons, je ne suis pas capable de dire dans la vie de tous les jours, soit parce que cela ne serait pas approprié de le faire, soit parce que je ne suis pas sûr de la bonne façon de l'exprimer par des mots. Dans un sens, j'ai l'impression que nombre de ces chansons ressemblent à des lettres que vous écrivez à quelqu'un sans intention de les envoyer.

En même temps, je suis conscient que j'écris pour un public à qui la musique sert de catharsis, de matière à réfléchir et de divertissement. Je pense que ce que j'essaye de faire, c'est de faire ressentir certaines choses et s'attacher à ce que je dis, mais en essayant de le présenter de la façon la plus divertissante et accessible possible.

 

Votre chant (assez particulier) a tendance à être mis en avant dans les critiques. N'est-ce pas un peu frustrant quand on a des ambitions musicales aussi évidentes de voir vos chansons réduites à cela ?

 

C'est extrêmement frustrant et quelque chose dont j'ai tendance à me plaindre chaque fois que nous bénéficions d'une critique. Il y a des avantages à être différent car cela donne une certaine particularité à chaque chanson et cela nous permet en tant que groupe de papillonner entre différents styles tout en sonnant comme le même groupe grâce à la voix, mais en même temps je me vois d'abord comme un compositeur et cela me frustre quand les gens sont distraits par le chant et ne remarquent pas les chansons, qui sont, à mon sens, plutôt bonnes.

Parfois je pense que ce serait bien d'écrire un album pour quelqu'un d'autre pour voir la réaction des gens mais en même temps, je suis conscient que dans un environnement où il y a tellement de groupes qu'il est difficile de sortir du lot, le fait d'avoir une voix semblable à personne d'autre est probablement quelque chose qui m'aide plus qu'elle ne me dessert.

 

Pour les paroles, vous vous situez dans une grande tradition britannique : des histoires courtes, personnelles ou fictives. D'où vous vient l'inspiration ?

 

En général, les choses qui me frustrent à ce moment donné. En ce moment, ce serait des frustrations nées du travail ou des femmes. Bien entendu, les gens se lasseraient vite s'ils pensaient que je passe mon temps à me plaindre de ma vie, alors j'essaye de le présenter de la façon la plus intéressante possible (en le transformant un peu ou totalement en une histoire fictionnelle, si cela semble profiter à l'histoire). Mais je pense que l'essentiel est de réussir à capturer les émotions qui ont inspiré la chanson mais en les présentant d'une façon qui permette au public d'en tirer quelque chose.

 

Vous avez toujours fait des efforts pour produire des vidéos pour vos singles, en faisant même une trilogie vidéo ( 'the sock puppet' ) de trois de vos singles non disponibles sur l'album. A cette époque où l'on télécharge et on consomme de la musique façon fast-food, quel est l'intérêt des vidéos pour vous ?

 

Je dois bien avouer que je me pose parfois la question! Mais de manière tout à fait intéressante, je me suis bien souvent rendu compte que quand je parle du groupe autour de moi, les gens vont chercher des renseignements sur lui sur Youtube bien plus que sur Myspace ou ailleurs. Les vidéos sont très utiles : elles montrent aux gens à quoi ressemble réellement le groupe, ce que la musique seule ne permet pas.

En même temps, je pense que compte tenu de la conjoncture actuelle, à moins d'avoir des milliers de livres à investir dans la musique et la garantie de passages sur MTV, il vaut beaucoup mieux dépenser le moins d'argent possible. La vidéo qui a le plus de succès est celle pour 'The Evil Thoughts', qui a été réalisée par deux amis, Juha et Rui et qui ne nous a pour ainsi dire rien coûté. Mettre quelques centaines de livres dans une vidéo, comme le font certains groupes, est un gâchis. C'est sûr que ces vidéos sont meilleures mais il ne faut pas oublier qu'on les juge au regard de clips dans lesquels ont été investis des milliers et des milliers de livres, et qu'on ne peut pas s'aligner avec ces gens-là...

On les réalise aussi pour notre propre amusement, il faut bien le reconnaître. Nous en avons deux en projet pour le moment. La première est une idée de vidéo très simple, en un plan, presque wharolienne, la deuxième est peu coûteuse mais plus ambitieuse que tout ce que nous avons réalisé jusqu'à présent. Il me tarde vraiment qu'on les réalise!

 

 

Puisqu'on parle de téléchargement, saviez-vous qu'en France la loi Hadopi a été adoptée, permettant à n'importe qui suspecté de téléchargement illégal de voir sa connexion internet coupée après deux avertissements ? En tant qu'artiste, quelle est votre position sur le téléchargement illégal ?

 

Je pense que le téléchargement est trop entré dans les moeurs pour qu'une quelconque loi y change quoi que ce soit. Dix ans se sont écoulés depuis Napster et les gens sont tellement habitués à télécharger que c'est limite s'ils ne sont pas étonnés que l'on puisse payer pour écouter de la musique. La vraie question que doivent se poser les artistes est comment gérer ça et non pas se positionner sur des questions de « c'est bien », « c'est mal », qui sont à mon sens dépassées.

Evidemment, les choses ont beaucoup changé pour les musiciens et il est de plus en plus difficile de vivre de sa musique. Le plus frustrant dans l'histoire est que les groupes sont contraints de faire des choses qui auraient été très mal vues il y a seulement dix ans, comme vendre des chansons aux publicitaires ou se lancer dans les produits dérivés, choses qui sont devenus normales de nos jours, tant on sait qu'il est difficile pour un groupe de vivre. J'ai réussi jusqu'à présent à éviter ce genre de pratiques mais ce serait quand même vachement plus simple si les gens achetaient des disques. Et je pense que les répercussions à long terme seront négatives pour la musique indépendante. Ce n'est pas la fin du monde de vendre ses chansons pour illustrer des pubs ou de voir ses tournées sponsorisées etc, mais si ça devient normal, on se retrouvera dans une situation où ce seront les groupes qui écrivent des « chansons à pub » qui auront tout le soutien financier dont ils ont besoin pour vivre et où les groupes un tant soit peu subversifs n'auront aucune chance de connaître le succès.

Le truc c'est que les amateurs de musique indépendante doivent se demander s'ils sont prêts à accepter les conséquences logiques du téléchargement. Inutile de crier au scandale quand les groupes qu'ils aiment seront obligés de faire autre chose pour gagner de l'argent.

 

Revenons à votre travail. De quelle manière votre changement de statut (de chanteur solo à membre d'un groupe même si vous en êtes le leader) a-t-il modifié votre façon d'écrire ?

 

C'est sûr que ça a complètement changé ma façon d'écrire, ce que je remarque à chaque fois que je fais un concert solo : les chansons écrites pour le groupe ne fonctionnent pas aussi bien quand je suis seul avec ma guitare... Ecrire pour un groupe m'a libéré et m'a permis de varier mes chansons et d'essayer des tas de choses qui n'auraient rien donné en acoustique.

En fait, quand vous êtes tout seul avec votre guitare, vous vous reposez essentiellement sur vos paroles pour capter et garder l'attention du public. Et du coup vous avez tendance à jouer tout le temps les chansons aux paroles faciles, qui « marchent » bien auprès du public. Ce n'est pas vraiment un mal sauf que ça signifie que vous ne jouez pas les chansons aux paroles plus subtiles et que vous vous contentez de celles que le public aime. Quand vous avez un groupe de 7 personnes, il y a de très nombreuses manières de susciter l'enthousiasme du public. On joue les chansons qui plaisent mais on peut aussi capter l'attention du public par un rythme, ou une boucle de guitare ou n'importe quoi d'autre, ce qui veut dire que je suis plus libre pour écrire les paroles.

Il y a quelque chose que j'aime beaucoup avec Thee Awkward Silence : je laisse chaque musicien libre de jouer sa partie comme il l'entend et je ne donne que très rarement de directives de jeu précises. Ce groupe (surtout Ian Button, le batteur et producteur) semble toujours parfaitement comprendre ce que j'attends d'une chanson et malgré le nombre de musiciens (7 quand même!), j'ai toujours l'impression que nous allons tous dans la même direction et que nous avons la même façon d'envisager les chansons : c'est pour ça que j'aime travailler avec eux!

 

N'est-il pas parfois difficile de partager les décisions ?

 

Non, dans la mesure où ça n'arrive pas. Chacun gère son truc : Ian s'occupe des enregistrements, moi du son du produit fini mais au final il n'y a pas vraiment de décisions à partager. Même si tout le monde a son mot à dire, il est clair pour chacun des membres du groupe que chacun aura le dernier mot en ce qui concerne son domaine de compétence.

Cela étant, je pense que j'ai une chance folle de travailler avec ces gens car ils comprennent parfaitement ce que j'essaie de faire et ils connaissent tous la meilleure manière d'y parvenir. Ce serait embêtant si, par exemple, Ian avait une vision totalement différente de la mienne mais ça n'arrive quasiment jamais dans la mesure où Ian semble comprendre très exactement ce que je veux sans que j'aie jamais à m'expliquer! En règle générale, quand je veux quelque chose à tout prix, personne ne s'y oppose et quand c'est tout le groupe qui pense que ce n'est pas une bonne idée, j'ai suffisamment de respect pour eux pour penser que s'ils s'y mettent tous c'est qu'ils ont certainement une sacrée bonne raison!

 

2009 verra un nouvel album... A quoi devons-nous nous attendre ? Pouvons-nous espérer que votre premier album et que les singles qui ne figurent sur aucun album seront enfin faciles à trouver ?

 

Pour commencer par la deuxième question, nous sommes en pourparlers avec un nouveau netlabel, Fleeing From Pigeons. Il est question de faire une compil' de ces singles. Le premier album est déjà en téléchargement gratuit sur leur site.

Le nouvel album est achevé à 90% et nous en sommes très fiers. Il est beaucoup plus abouti et complexe que We Are Not Other People. Les chansons pop le sont encore davantage et sont plus grand public mais il y a aussi deux chansons de 7 minutes chacune très intenses, qui sont plus sombres et plus profondes que tout ce que nous avons jamais écrit. Je pense que c'est un album plus collectif que We Are Not Other People parce que le groupe l'a enregistré du début à la fin (Ian et moi avions commencé seuls We Are Not Other People, le reste du groupe s'était formé autour de nous pendant l'enregistrement). C'est un album au son beaucoup plus riche, qui est très représentatif de ce que nous sommes et de ce à quoi nous ressemblons sur scène. Je suis très emballé!

 

Une dernière question : a-t-on une chance de vous voir un jour à Paris ?

 

On adorerait nous produire dans cette ville. On a juste besoin d'être invités!

 

http://www.myspace.com/theeawkwardsilences

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